Polyphonic worlds: justice as medium

Adelita Husni-Bey

À travers mon travail je propose des cadres de référence pédagogiques s'inspirant d'études anarcho-collectivistes, ainsi que des représentations vidéo de ces moments-là. Dans ma pratique artistique je tente de questionner la constitution d'un « nous », remettant ainsi au cœur des débats le combat anti-impérialiste, les pratiques féministes et homosexuelles et une analyse de catégories élaborées au sein des cadres de référence dont je me sers.

Agency (2014) est le produit d'un travail d'atelier qui a débuté en 2013 avec un groupe de bénévoles du Lycée Manara à Rome. Au cours des mois précédant l'atelier, les étudiants ont reçu la visite de rédacteurs de presse, de personnes actives dans le domaine de la justice sociale et d'économistes qui ont parlé avec eux de leurs rôles respectifs et des enjeux de ces fonctions dans le paysage sociopolitique de l'Italie actuelle. L'atelier d'une durée de 3 jours s'est déroulé au Musée MAXXI à Rome ; cinq catégories d'intervenants y ont bataillé pour le pouvoir : des journalistes, des activistes, des banquiers, des travailleurs et des politiciens. Alors que ces catégories auxquelles les étudiants se conformaient étaient dépersonnalisantes, les participants étaient aussi incités à rendre visibles les chevauchements entre elles et à concrétiser des interactions complexes à mesure que le jeu de rôles avançait. Les journalistes étaient chargés de fournir d'heure en heure un compte rendu sur l'avancement de la « société », dans lequel ils exposaient ce qu'ils avaient réussi à glaner auprès de chaque groupe. La simulation était interrompue par des moments planifiés où le jeu était laissé de côté ; les participants débattaient alors des conditions sociales établies dans le cadre de cet atelier au gré de leurs choix et de décisions, et auAnassi – et c'est important – de la signification du pouvoir et de ses mécanismes.

Adelita Husni-Bey, Agency-giochi di potere, 2014, image tirée de la vidéo HD, 27’40’’
Avec l'aimable autorisation de l'artiste et de Laveronica arte contemporanea

Agency

Agence est une initiative qui établi une liste ouverte de « choses » qui résistent aux classifications divisant « nature » et « culture ».

Les non-humains (animaux, plantes, pierres,…) et autres-qu'humains (morts, esprits, in- et extra-terrestres,...) font partie des pratiques artistiques. Or la propriété intellectuelle reste réservé à l’humain. Même si la définition légale d'un « auteur » ne mentionne pas explicitement les humains, la jurisprudence ne considère pas les non-humains et autres-qu'humains comme de possibles « sources d'œuvres artistiques ». Que se passerait-il si les non-humains et autres-qu'humains étaient inclus d'une manière mutuelle dans les pratiques artistique? Agence part de ces spéculations pour Assemblée (Mondes Polyphoniques) et laisse deux « choses » de la liste témoigner.

Chose 001652 (Monkey's Selfies) concerne une controverse entre le macaque Naruto, représenté par l’organisation de défense des animaux Peta et le photographe animalier David Slater à propos d’une série de photos prises par Naruto et publiées dans un livre signé David Slater.

Chose 001621 (Dead Son Drawn by Psychic Artist) concerne un conflit entre A.P. et l'artiste clairvoyant Frank Leah au sujet de la reproduction dans une revue du dessin de l'esprit du fils d'A.P. réalisé par Frank Leah.

Pour chacune de ces controverses, Agence réunit un groupe de personnes, liées aux pratiques concernées, afin qu’elles réagissent aux affaires en question. Le but de ces réunions est de revenir aux moments de l' hésitation autours des problèmes spécifiques. En portant l'attention sur l'influence du droit de la propriété intellectuelle sur les protocoles inhérents aux pratiques, la fragilité de l’écologie d'une pratique artistique singulier est rendu.

Agence, chose 001652 (Monkey's Selfies), 2016, avec l'aimable autorisation de l'artiste

Ana Torfs

La tension entre le texte et l'image a un rôle essentiel dans mon travail, à côté des processus annexes de visualisation, d'interprétation et de traduction. Je tente de rendre possible une perception actuelle et authentique des vestiges épars de notre histoire culturelle et politique. Mes installations comprennent divers types de médias reproductibles allant des projections de diapositives, sons, photos, vidéos et films à la xérographie, au tissage Jacquard, à l'imprimerie offset et à la sérigraphie.

Au cours de ma participation en tant que boursière au programme d'Artiste en Résidence du DAAD à Berlin en 2005, j'ai effectué des recherches dans les Archives militaires fédérales allemandes sur le « Cas du meurtre du Dr. Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg ». J'ai également étudié la procédure pénale devant le Tribunal de campagne militaire de la Division de Cavalerie et de Fusiliers de la Garde dans la salle d'audience principale du Tribunal correctionnel de Berlin (1919). Dans ces comptes rendus d'audience j'ai retenu les déclarations de 25 personnes qui ont été interrogées et j'en ai tiré une « Tragédie en Deux Actes », qui est le scénario littéraire de mon projet.

J'ai sélectionné 25 acteurs allemands et j'ai enregistré en vidéo leurs « interprétations » des témoignages. À travers 25 versions de la « vérité » émerge une image fragmentaire et changeante de la dernière heure de l'existence de Liebknecht et Luxemburg, fondateurs du Parti communiste allemand.

Une traduction simultanée des témoignages (en allemand) a été effectuée par un interprète de tribunal anglais. Cette « interprétation », à écouter dans mon installation à l'aide d'un casque sans fil, souligne l'absence de différence tranchée entre les simples faits et leur interprétation, entre les faits et la fiction. Un récit est toujours coloré par le langage.

17 autres acteurs de quatre générations ont posé pour une série de photos en noir et blanc dans la salle de démonstration d'un théâtre anatomique. Ces photos apparaissent sous la forme d'une projection de diapositives, offrant un contrepoint scénographique abstrait à l'action scénarisée dans la vidéo.

Ana Torfs, Anatomy, 2006, diapositive

Photo : Ana Torfs, avec l'aimable autorisation de l'artiste

Arvo Leo

En 2003, un immense incendie de forêt s'est déclaré au Canada et a fait rage pendant 75 jours, détruisant de nombreux arbres et un grand nombre de maisons. Alors que le feu embrasait la petite ville de Barriere, la transmission d'une Ford Mustang a été submergée par les flammes et son métal s'est liquéfié. Ensuite ce métal fondu et brûlant a accidentellement coulé dans les tunnels souterrains d'une fourmilière ; le résultat était une merveilleuse sculpture accidentelle en forme de fourmilière.

Onze ans après, j'ai réalisé une affiche en sérigraphie en hommage à cette sculpture, une méditation sur son étrange genèse. Tout en griffonnant, je me suis mis à imaginer cet événement à la fois destructeur et créateur sous plusieurs angles non-humains, en me demandant ceci : « Et si cette sculpture n'avait pas été réalisée par accident ? Et si cette voiture, les arbres, les flammes, la nature ou les fourmis avaient eux-mêmes voulu que cette sculpture existe et étaient responsables de sa création ? » D'autres dessins sur l'affiche sont nés alors que je spéculais sur les origines des combustibles fossiles, l'histoire du moteur à combustion interne, le corps vivant au sein de la chaîne de montage de l'usine Ford, le passage de l'humanité de l'état nomade à la sédentarité et l'utilisation d'outils par les animaux.

Pour Contour, je présente dans un grand nombre de caves à Malines une vidéo fondée sur cette histoire et des tirages de l'affiche. Il est important que ces objets soient montrés sous terre, au royaume des fourmis, là d'où proviennent les métaux, un espace un peu plus éloigné des êtres humains. Ainsi le public est avant tout constitué des communautés locales qui acceptent d'accueillir ces affiches. Il sera toutefois possible de voir surgir une ou deux affiches au-dessus du sol, tels des champignons.

Hearings

Arvo Leo, Détail de Accidental Ant Hill Sculpture (Born in 2003 after a forest fire made love to a Ford Mustang), 2014, sérigraphie sur papier

Avec l'aimable autorisation de l'artiste


Basir Mahmood

Je veux examiner ma position en tant qu'artiste en adoptant des rôles multiples, dont ceux d'un auteur qui écrit des histoires, d'un initiateur qui provoque des rencontres entre des individus et des scénarios improvisés afin de créer des récits originaux, d'un observateur qui s'insère par téléportation dans des situations de tous les jours dont il veut découvrir le moindre détail, ou en sort ; il les observe depuis l'extérieur et de l'intérieur, à certains moments comme un sujet qui n'est pas concerné, comme un badaud désintéressé. Dans mon œuvre récente destinée à la Biennale Contour 8, Monument of Arrival and Return (2016), j'ai tenté de m'éloigner de la réalisation directe d'un film et de me positionner en tant que dramaturge en mettant en scène une séquence dont les protagonistes – un groupe de porteurs de bagages en gare (appelés sur place des « coolies », selon l'expression en usage à l'époque coloniale britannique) – est invité à manipuler un ensemble d'objets usuels et personnels et à improviser avec ces objets. J'ai produit le film à distance avec une équipe locale à Lahore, au Pakistan, qui a reçu une série d'esquisses et d'instructions narratives ; je suis resté loin du tournage et j'ai reçu plus tard comme un « paquet » les scènes interprétées intuitivement afin d'en effectuer le montage. Ainsi mon propre parcours de cinéaste s'est retrouvé inscrit dans l'histoire plus longue du mouvement des coolies (Kuli) qui, sous l'Empire britannique, furent transportés en tant que main-d'œuvre de plantations en ateliers industriels, de chantiers navals en quais de gare. Actuellement, les porteurs de la gare de Lahore, vêtus d'une chemise rouge sur laquelle a été cousu un numéro, attendent toujours qu'arrive le train bruyant, puis ils se précipitent en criant vers les voyageurs à l'arrivée afin de transporter leurs biens depuis les quais pavés jusqu'à la route goudronnée qui s'étend dehors.

Hearings

Basir Mahmood, Monument of arrival and return, 2016, image tirée de la vidéo

Avec l'aimable autorisation de l'artiste

Beatriz Santiago Muñoz

Black Beach/Horse/Camp/The Dead/Forces (2016) a été tourné entièrement dans l'île de Vieques, à Porto Rico, utilisée pendant 60 ans comme champ de tir par la US Navy stationnée à Porto Rico ; la population se débat depuis 10 ans pour que l'île soit décontaminée. J'ai tourné des séquences en suivant une approche intuitive vis-à-vis des matériels et mouvements liés à la mort, à la toxicité et au mysticisme. La plage de magnétite noire s'érode lentement ; une artiste qui a aidé à ressusciter un arbre sacré se trouvant à une époque à l'intérieur du domaine de la Navy a elle-même ressuscité à plusieurs reprises en se relevant de maladies ; 3000 chevaux sauvages sillonnent l'ancien champ de tir ; un homme accomplit un rituel quotidien sur la plage, dans la certitude religieuse que ses mouvements rétablissent un équilibre cosmique dans l'île.

Matrulla (2014) est un film sur Pablo Díaz Cuadrado, qui a eu en 1972 une vision hallucinatoire sous l'effet de la fleur odorante de Brugmansia versicolor ; il y a vu sa vie future à Orocovis, près du Lac Matrullas. Le nom du lieu, Orocovis, est un mot indigène – orocobix – qui signifie « première montagne ». Pablo entremêle la vision et le lieu dans un parcours circulaire, enroulé en spirale, à travers sa maison. Le film est un portrait d'un visionnaire rétrospectif, d'un glaneur qui voit l'avenir à travers une collection de restes : semences, antennes paraboliques, chansons.

J'ai réalisé ces films pour réfléchir avec et au travers des gens qui y figurent.

Beatriz Santiago Muñoz, Black Beach/Horse/Camp/The Dead/Forces, 2016, image tirée de la vidéo, 8’, avec l'aimable autorisation de l'artiste

Cooking Sections

Les « Empire Shops » furent d'abord conçus à Londres dans les années 1920 afin d'apprendre aux Britanniques comment consommer les aliments provenant des colonies et des territoires d'outre-mer. Même si aucun de ces magasins n'ouvrit ses portes, ils voulaient rendre accessibles et familiers dans les îles britanniques les produits comme les raisins secs d'Australie, les oranges de Palestine, les clous de girofle de Zanzibar et le rhum de Jamaïque. The Empire Remains Shop examine la possibilité de revendre actuellement les vestiges de l'Empire britannique à Londres. The Empire Remains Shop, une installation publique du duo londonien Cooking Sections, a accueilli en 2016 un programme critique de discussions, performances, dîners, installations et projections utilisant la nourriture comme outil pour rassembler de nouveaux sites et de nouvelles géographies, tout en explorant les origines, destinations et échanges du présent et du futur de notre planète postcoloniale.

Ce projet de recherche à long terme a commencé à explorer en 2013 l'infrastructure et l'imaginaire culturel mis en place au sein de l'Empire britannique afin d'encourager au début du XXe siècle les échanges gastronomiques et agricoles entre la Grande-Bretagne et les territoires d'outre-mer. Il adopte comme point de départ l'Empire Marketing Board, une agence gouvernementale britannique de promotion du commerce colonial dans les années 1920 et 1930, faisant appel aux beaux-arts, au cinéma et aux supports de propagande graphiques.

The Empire Remains Shop est une plateforme permettant d'étudier l'invention des notions d'« exotique » et de « tropical », les sandwiches aux crevettes, la géologie des conflits, la financiarisation des écosystèmes, les comportements « contre-nature », la perception écologique des espèces « envahissantes » et « locales », l'aide alimentaire « culturellement neutre », la banane qui a colonisé le monde entier, les anciennes colonies comme endroits où prendre sa retraite, la construction de zones Off-shore et Zones économiques spéciales, et bien plus encore.

À côté des affiches de l'Empire Marketing Board des années 1920, un contrat de franchise est proposé aux institutions publiques et individus actifs en Belgique pour l'ouverture de leur propre Empire Remains Shop.

Hearings

Cooking Sections, Cases of Confusion (50-40-20) (56-45- 25) (55-40-20), 2015, courtesy of the artists

Council

La notion de « Nature » est toujours largement utilisée afin de criminaliser les individus pour leur orientation sexuelle, identité de genre ou façon d'être. Au Liban, l'article 534 du Code pénal condamne « les rapports sexuels contre nature » , en Inde, l'article 377 définit « les rapports charnels contre nature », tandis qu'au Kenya, l'article 162 concerne « les relations sexuelles contraires à l'ordre naturel ». La « Nature », opposée à la « Culture » (ou à la « Société »), est reconnue en tant que pilier du système de valeurs occidental moderne. Même si « contre nature » est dérivé de l'expression « contra naturam » utilisée dans le code pénal de Napoléon, aucun équivalent culturel n'existait pour sa mise en œuvre dans les anciennes colonies françaises et anglaises. Au Liban, par exemple, aucun texte légal ne définit le sens de « contre nature », ni de « nature » d'un point de vue juridique. Council a abordé ces questions dans The Manufacturing of Rights (2013-2015), en collaboration avec Legal Agenda et le centre d'arts Ashkal Alwan à Beyrouth.

The Against Nature Journal poursuit cet examen au travers d'un programme de publications, expositions et conversations s'étendant sur trois ans ; chaque numéro concernera en particulier l'un des pays où une telle loi existe. La Biennale Contour 8 à Malines et le Museo de Arte Moderno à Medellín accueilleront la sortie du numéro 0 de The Against Nature Journal ; l'identité graphique, le cadre éditorial et la politique de diffusion du journal seront présentés à cette occasion.

Fondé en 2013 par Grégory Castéra et Sandra Terdjman, Council introduit les arts dans des domaines qui ne reconnaissent pas pleinement sa légitimité, associe l'art aux sciences et à la société civile, invente de nouvelles formes de concertation et observe des situations où la nature humaine est réexaminée. The Against Nature Journal réunit, entre autres, Aimar Arriola (rédacteur en chef), Remco van Bladel (conception graphique) et Francesca Bertolotti-Bailey (membre associée de Council).

Hearings

Council, Joscelyn Gardner, Hibiscus Esculentus (Sibyl), 2009, lithographie colorée à la main sur mylar dépoli, 91,5 x 61 cm, avec l'aimable autorisation des artistes

Eric Baudelaire

Also Known as Jihadi (2017) retrace le voyage d'un jeune homme de France en Syrie, puis son retour en France où il est actuellement incarcéré, soupçonné d'avoir rejoint Daesh (EI). D'après des faits réels et fondée sur des milliers de pages de procédure pénale, l'œuvre fait appel à la « théorie du paysage » (fukeiron en japonais). Celle-ci trouve ses origines dans le film AKA Serial Killer (1969), coréalisé avec Masao Adachi, qui était elle-même le sujet d'un film antérieur, The Anabasis of May and Fusako Shigenobu, Masao Adachi, and 27 Years without Images (2011). Les voies menant à la radicalisation sont exclusivement évoquées à l'aide d'une série de vues de paysages filmés dans les lieux traversés par le sujet, une biographie déterminée non pas par les actions de ce sujet, mais par ce qu'il a vu. C'est une interrogation sur la manière dont ces paysages reflètent les structures sociales et politiques qui servent de toile de fond à un voyage d'aliénation et de retour. Ce nouveau film s'appuie sur un lien entre certaines de mes œuvres précédentes et les événements qui se sont produits récemment dans nos vies. J'ai commencé à y penser il y a plus d'un an, avant les attentats du 13 novembre et même avant celui de Charlie Hebdo en janvier 2015. En partant de ce point de vue j'ai voulu faire un film sur la position consistant à tenter de (ne pas) comprendre. Ou, pour le dire avec Pierre Zaoui, de faire un film « qui vise à la fois à comprendre et à ne pas comprendre : à comprendre jusqu'au point où l'on ne comprend plus ; et tout autant à montrer en refusant de comprendre ou d'expliquer jusqu'au point où l'on se surprend, avec un trouble lourd d'angoisse, à comprendre, à se découvrir une subite sympathie, à se dire que la monstruosité est peut-être notre commune condition. »

Hearings

Eric Baudelaire, Also Known As Jihadi, 2017, image tirée d'une vidéo, avec l'aimable autorisation de l'artiste

Filipa César & Louis Henderson

Le phare, objet conçu par l'homme dans le but d'éclairer l'inconnu plongé dans l'obscurité, représente parfaitement les aspirations du projet de modernité des Lumières : la maîtrise de la nature par la raison et l'esprit, les progrès en matière de technologie et de commerce dans le monde entier, la transparence éclairante de la moralité du christianisme européen – un phare dans la nuit.

Ce film est une contre-lumière à effet désorientant et « désoccidant » s'appuyant sur la navigation optique et les logarithmes de localisation, un essai s'opposant aux schémas occidentaux de référencement et de positionnement. En partant d'un film réalisé à l'aide d'objectifs sur une pellicule photosensible et en aboutissant au moteur informatique de géolocalisation, nous naviguons de la production matérielle des lentilles Fresnel à l'invention des systèmes de navigation par satellite (GNSS), outils qui annoncent la fin du mode de navigation faisant appel au phare.

Les équipements GNSS modifient chez l'être humain la perception de l'espace, la vision et les aptitudes à interpréter les cartes géographiques, et ils créent de nouvelles images du monde. Ce nouveau système de cartographie s'accompagne de nouvelles formes de pouvoir et de contrôle. Si le phare symbolise le développement du transport maritime transatlantique, les systèmes satellitaires représentent le passage du support matériel du commerce des biens aux données. Le GPS est le produit d'une époque d'interpolation en réseau de l'espace militaire, de l'espace civil, de l'espace commercial, de l'espace privé, de l'espace public. Le phare demeure sur les rives de la conscience comme une forme de pensée, tandis que les systèmes GNSS partent naviguer au large.

Filipa César & Louis Henderson, Sunstone, 2017, image tirée de la vidéo, avec l'aimable autorisation des artistes

Ho Tzu Nyen

NO MAN II (2017) réunit dans le miroir un chœur fantomatique, un groupe turbulent de personnages aux origines incertaines, animaux ou hybrides d'animaux et d'humains, cyborgs ou figures anatomiques. Certains d'entre eux sont des manifestations d'archétypes mythiques, tandis que d'autres sont des stéréotypes culturels. Ils constituent peut-être un petit échantillon de l'imagination figurative de l'humanité à travers l'histoire.

Ces personnages sont animés de mouvements ne correspondant pas à leur apparence – des mouvements d'une nature ambiguë, allant de mouvements humains banals comme se tenir debout aux mouvements emblématiques comme le breakdance ou la démarche convulsive et saccadée des zombies.

De leurs voix entremêlées, rythmiquement en phase et hors phase, oscillant entre solos et chœurs, les personnages chantent un texte qui signifie ceci :

Personne n'est une île qui forme un tout en soi ;
chaque homme est un morceau du continent,
il fait partie de la grande terre ;
si une motte est emportée par la mer,
la Malaisie en est amoindrie,
autant que s'il s'agissait d'un promontoire,
autant que s'il s'agissait d'un manoir appartenant à tes amis
ou à toi-même ;
la mort de tout homme me diminue,
car je suis impliqué dans l'humanité.
N'envoie donc jamais demander pour qui sonne le glas ;
il sonne pour toi.

Je vois NO MAN II comme une supplique de créatures d'origine incertaine, une supplique aussi ambiguë qu'incommensurable.

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Les paroles de la chanson sont une adaptation de celles de Meditation XVII – Devotions Upon Emergent Occasions (1624) de John Donne.

Musique de Vindicatrix, mix additionnel de Ho Tzu Nyen et Jeffrey Yue. Les personnages ont été créés avec l'aide de Mimic Productions (Berlin) et de Vividtree Productions (Singapour).

Ho Tzu Nyen, NO MAN II, 2017, image tirée de la vidéo, projection d'images générées par ordinateur sur miroir double face, 360’, avec l'aimable autorisation de l'artiste

inhabitants

inhabitants (inhabitants-tv.org/) est une chaîne en ligne de vidéos d'exploration et de rapports documentaires.

L'actuel déséquilibre systémique dans le monde est difficile à représenter en soi et échappe à la fois au lien de causalité des comptes rendus et à la perspective offerte par l'objectif d'une caméra. Les campagnes d'activistes, les publications académiques et la fiction spéculative, les films expérimentaux et documentaires, ainsi que les techniques amateurs – voilà quelques-uns des formats que les séquences vidéos courtes en ligne ont adopté pour traiter de tels sujets. Ces différents moyens de s'adresser au public, ainsi que leurs possibilités et exigences, nourrissent inhabitants et ses brèves séquences vidéo destinées à une diffusion en ligne.

Lancée en 2015 par des artistes plasticiens, la chaîne a réalisé une série de huit épisodes consacrée à l'Anthropocène et une campagne d'opposition à l'extraction de pétrole au Portugal en cinq volets, et elle a publié une brève histoire de la géo-ingénierie. Elle a collaboré avec la Haus der Kulturen Der Welt et l'Institut Max Planck d'Histoire des Sciences, ainsi qu'avec le Museu Coleção Berardo et la campagne Wages for Facebook. Elle a aussi sorti une vidéo des artistes Filipa César et Louis Henderson mettant au point un vocabulaire matériel pour les recherches cinématographiques sur les archives du cinéma de Guinée-Bissau depuis l'indépendance.

En collaboration avec la Biennale Contour 8, inhabitants présente une série de vidéos à plusieurs épisodes sur le sujet de la justice sociale et du principe de « la Justice en tant que moyen d'expression », examinant différents types d'incarnation, de droits et de représentation, à travers des cas contemporains concernant l'identité individuelle, des recherches historiques et des revendications d'activistes.

Hearings

Image Notes

Venues

inhabitants, Hobby Lobby vs. The Allegory of Justice, 2016, image tirée de la vidéo, 46’’

Avec l'aimable autorisation des artistes

Judy Radul

Au rez-de-chaussée de la Maison des Échevins, l'un des sièges historiques du Grand Conseil des Pays-Bas bourguignons, on peut voir deux types de fenêtres très différents. Il y a des vitraux anciens, offrant une vue à facettes, instable, des rues à l'alentour, et une grande baie vitrée, produit d'une rénovation récente, qui donne directement sur la vitrine de l'autre côté de la rue. L'image de cette fenêtre, éclairée à contre-jour par la vitrine, préfigure un écran plat. Ce qui, à une certaine époque, est considéré comme la clarté et la transparence peut changer en fonction du moyen d'expression.

Au centre de la pièce est installé un système téléologique – une caméra vidéo lit une publication dont les pages sont tournées par une machine rudimentaire. La publication créée tout spécialement pour cet environnement pose – visuellement et au moyen du texte – des questions sur la production de preuves, dont découlent des formes de « jugement », tout en faisant référence à la tradition malinoise de la réalisation de manuscrits polyphoniques richement enluminés.

Les images ne déterminent pas – ou pas entièrement – comment elles sont vues. Cette œuvre inclut une étude d'oculométrie, afin d'illustrer la polyphonie de la vue d'une image ; le flux rythmique de la perception individuelle est suivi, pendant qu'est vérifié et surveillé l'œil physique à l'aide d'un œil numérique animé. À l'avenir, bien sûr, les mouvements oculaires serviront aussi à tourner des pages virtuelles en faisant « glisser » le regard.

Quelle signification aura donc le témoignage – la déclaration de type « je l'ai vu » ? Qu'est-ce qui est admis comme témoignage, actuellement et à l'avenir ? Aucune réponse définitive à ces questions n'est fournie, il s'agit uniquement d'une invitation à regarder : regarder l'œil de la caméra sillonner l'espace et parcourir le monde à travers les vitres.

Judy Radul, World Rehearsal Court, 2009, image tirée d'une vidéo

Avec l'aimable autorisation de l'artiste

Karrabing Film Collective

The Stealing C*nt$ (2017) est une analyse du vol, de la survivance et de la souveraineté toxique dans les régions indigènes du nord de l'Australie, par le Karrabing Film Collective. L'œuvre se compose de quatre éléments – le film Windjarrameru, The Stealing C*nt$ datant de 2016 et trois œuvres réalisées pour la Biennale Contour 8 : Law Wall, Toxic Sovereignty #5 et Can you brighten yourselves?. Windjarrameru est le deuxième volet d'une exploration cinématographique en trois parties de ce que le Collectif appelle « Vivre à l'époque de l'Intervention », une évocation des conditions de vie au cours de l'expérience néolibérale menée par les États d'Australie sur les peuples indigènes. Windjarrameru raconte l'histoire de quatre jeunes gens indigènes qui trouvent deux packs de bières dans le « bush », mais sont accusés de les avoir volés par des mineurs exploitant illégalement un site sacré. Les quatre jeunes gens s'enfuient dans un marais pollué. Ils sont rapidement encerclés par la police, les mineurs et leur propre famille. Le film examine qui va en prison pour quel type de vol, et comment le paysage ancestral reste le même tout en subissant une transformation toxique. Les trois œuvres accompagnant Windjarrameru concernent plus en détail quelques-unes des circonstances légales et matérielles dans lesquelles le film a été réalisé et qu'il reflète. The Law Wall évoque les lois des Blancs qui tentent de supplanter les lois indigènes, mais sont minées par des créatures ancestrales présentes dans la terre. Toxic Sovereignty #5 explore la cartographie de la mutation, de la dépossession et de la survie au moyen d'une série de cartes géographiques historiques, de photos miniatures et de créatures mutées. Can you brighten up yourselves? fait appel au portrait pixellisé agrandi d'une photo d'identité idéale, afin de faire face à divers types d'obstacles au mouvement indigène – incarcération sur base raciale et coloniale, pauvreté et sécuritarisme.

Karrabing Film Collective, Windjarrameru, The Stealing C*nt$, 2015, image tirée d'une vidéo, 35’, avec l'aimable autorisation des artistes

Lawrence Abu Hamdan

The recovered manifesto of Wissam [inaudible]

Dans les montagnes du Chouf au Liban, on enroule de vielles bandes magnétiques autour des arbres fruitiers pour éloigner les oiseaux et les insectes. Un verger entier de clémentines se remplit ainsi du contenu de douzaines de cassettes, porteur de centaines de chansons et de sermons. Un jour, j'ai tout particulièrement remarqué un certain arbre au cœur du verger. La bande magnétique protégeant cet arbre était beaucoup plus fine – c'était la bande d'une mini-cassette utilisée dans les petits dictaphones ou les répondeurs téléphoniques. M'attendant à découvrir des enregistrements plus personnels, j'ai ôté l'ensemble de la bande de mini-cassette de l'arbre et j'ai récolté la voix fixée de façon magnétique sur sa surface. La voix s'était beaucoup usée au cours de sa défense inlassable des clémentines, mais certains courts fragments étaient restés récupérables. Le processus de recouvrement a été ardu, il a fallu écouter certains passages pendant des heures afin de distinguer correctement les mots parmi les sons étouffés. Après avoir écouté à répétition les premières phrases, j'ai finalement entendu la voix se présenter comme « Wissam [inaudible] » et j'ai compris que j'écoutais l'enregistrement sonore d'un livre ou d'un manifeste sur le concept insaisissable de Taqiyya. Cette notion juridique islamique, passablement ésotérique, est généralement interprétée comme « le droit de mentir ».

Le recouvrement de la voix est un processus laborieux et long ; l'enregistrement de 90 minutes présenté dans le jardin du tribunal de Malines comprend l'ensemble des passages audibles que j'ai pu sauvegarder jusqu'à présent.

Lawrence Abu Hamdan, Wissam, 2016, vue de l'installation à la galerie Maureen Paley, Londres

Avec l'aimable autorisation de l'artiste et de Maureen Paley

Madonna Staunton

Madonna Staunton est une artiste et poétesse du Queensland, dont la pratique immersive exerce une grande influence sur le modernisme australien. Ses peintures procèdent d'une « impulsion intérieure » dérivée des paysages qu'elle traverse et prennent la forme d'autoportraits, de lettres adressées à des poètes et auteurs, d'assemblages dadaïstes composés selon son intuition et d'œuvres abstraites très colorées. Au fil de cinq décennies de pratique artistique, Staunton a tenté de comprendre la nature de l'esprit et les structures affectives dans les domaines de la peinture et de la sculpture. Sa réflexion se nourrit de la lecture de textes philosophiques et théologiques, ainsi que d'œuvres littéraires d'Aldous Huxley à Franz Kafka.

La Biennale Contour 8 présente une série de peintures récentes – Immigrant (2008), The eye of the storm (2012), Base camp (2012) et Amputee (2010) – reflétant les caractéristiques obscures de la violence lente, tout en retraçant d'une manière expressive la montée de l'aliénation et de la prise au piège dans la condition humaine contemporaine. En outre, un ensemble de monotypes, intitulé N.Y. 11 Sept 01 2001 (2001), rend compte d'un corps fragmenté et angoissé qui représente aussi les nombreuses vies humaines perdues à cause de la « guerre perpétuelle » menée par l'Amérique au Proche-Orient depuis la date historique à laquelle fait référence le titre. Dans des gros plans des mains de l'artiste, la peau a été appuyée sur le papier, mettant à nu la vulnérabilité de l'individu en ces temps d'agitation mondiale. Cela nous rappelle qu'en définitive, le corps est un champ de bataille.

Hearings

Madonna Staunton, Immigrant, 2008, peinture polymérique synthétique sur carton, 23 x 26 cm

Avec l'aimable autorisation de l'artiste et de la Milani Gallery, Brisbane

Otobong Nkanga

La pratique artistique d'Otobong Nkanga fait appel à des modes narratifs visuels et performatifs évoquant la transformation de la « nature » en marchandise et la modernité en tant que terrain de décalage constant. Son travail récent considère la valeur poétique de la pierre et l'usage fréquent de fragments de minéraux en tant que souvenirs personnalisés, matériaux industriels et balises de délimitation. Le sédiment de la terre est lié à un enchaînement d'effets et de ruptures au travers de luttes de pouvoir, d'extraction en profondeur et d'excès performatifs – et l'œuvre de Nkanga voit inévitablement les corps humains comme des paysages fractionnés et minéralisés.

Nkanga fait également appel aux formats de la conversation et aux jeux linguistiques, introduisant des mots de pidgin anglais du Nigéria dans ses poèmes destinés à ses performances et films. Dans la vidéo Reflections of the raw green crown (2014), l'artiste se tient face aux églises berlinoises surmontées de clochers verts et récite ses textes. Le sujet humain anonyme et l'objet minéral brut sont entrelacés, tandis que nous observons le paysage construit et des dépôts architectoniques de malachite et d'azurite, provenant peut-être d'une mine ancienne en Namibie que l'artiste visite pendant le voyage qu'elle effectue pour son travail et qui se manifeste dans l'installation modulaire Tsumeb Fragments (2015). Les deux œuvres mettent à contribution la mémoire, l'étude des archives et les visites sur le terrain à la mine abandonnée de Tsumeb, connue à une époque sous le nom de Green Hill, que l'ethnie Ovambo a exploitée à la main pendant des générations et qui en 1905, sous l'administration coloniale allemande, a fait l'objet d'une extraction industrielle et de vastes exportations.

I want to go where you were Je veux aller où tu étais
The green mountain glistering afar Montagne verte étincelant au loin
Land of incredible specimens Pays de spécimens incroyables
The finest of them all, they said. Les plus beaux de tous, disait-on.
—Otobong Nkanga, Reflections of the raw green crown, 2014

Otobong Nkanga, Remains of the Green Hill, 2015, image tirée de la vidéo, 5’48’’, vue de l'exposition « Comot Your Eyes Make I Borrow You Mine » à Kadist, Paris

Photo : Aurélien Mole, avec l'aimable autorisation de l'artiste

Pallavi Paul

Mon travail concerne les techniques de la poésie et du voyage temporel et examine les degrés de malléabilité que présentent les textes de non-fiction. En prenant comme point de départ le décalage entre « image réelle » et « documentaire », j'ai tenté de créer un laboratoire de possibilités mettant à l'épreuve les contours de l'imagination, de la résistance, de la politique et de l'histoire.

Le travail a l'ambition de mettre en place un terrain de jeu pour l'imagination où l'embrasement historique peut être dégagé des langages du manque et du deuil, afin de devenir une interface critique ludique. Une influence essentielle est le chaos du monde contemporain et les mosaïques étourdissantes qui en résultent.

The Dreams of Cynthia (2017) traque la vie intérieure de sa protagoniste, imaginée à la fois comme un personnage littéraire, une unité temporelle, une forme d'expérience et un paysage. Elle est aussi témoin de la vie de deux personnes, un bourreau et un artiste transgenre dont les existences sont étroitement liées à une petite ville du nord de l'Inde et entrelacées par une histoire informelle de labeur, de violence et de mort.

Pallavi Paul, The Dreams of Cynthia, 2017, image tirée de la vidéo, 44’

Avec l'aimable autorisation de l'artiste et de Project 88

Pedro Gómez-Egaña

Mon travail cherche à établir une certaine intimité avec des lieux en imaginant des structures temporaires et en y inscrivant une narration. Cette intimité est obtenue, d'une part, en adoptant l'expérience historique liée à un lieu, mais aussi à travers l'expérience consistant à se tenir dans une pièce présentant certaines conditions sensorielles. À l'aide de l'étude simultanée d'aspects acoustiques et liés au mouvement, afin de repérer les caractéristiques les plus détaillées et les chroniques inhérentes à un lieu, je me suis mis à me demander comment agencer l'œuvre afin que la composition d'une scène dépende à la fois d'un appareillage mécanique et d'un apport humain. Le public est souvent amené à ressentir une sensation de déplacement pendant qu'il devient une partie du travail. Ainsi la proximité et la distance sont toutes deux cartographiées ; des constructions réalisées à la main et automatisées servent de contrepoint les unes aux autres, tandis qu'un environnement immersif et la perception du temps sont continuellement recomposés.

À Malines, je me suis plongé dans la tradition compliquée des énigmes cachées dans les compositions polyphoniques de la Renaissance flamande et des textes obscurs introduits par les scribes dans les manuscrits des partitions, que l'interprète devait ensuite déchiffrer. J'ai également été fasciné par les débuts de l'imprimerie dans cette région ; pour moi, le fonctionnement mécanique d'une presse à imprimer possède une charge poétique. Ses articulations, engrenages et leviers servent à créer un instant d'obscurité totale où l'encre et les clichés sont appliqués avec force sur le papier afin de produire un exemple d'échange radical. Les implications de ces deux référents – le silence linguistique et l'obscurité mécanique – sont les sources d'inspiration principales de The Moon Will Teach You (2017), qui est caché au grenier de la « Maison du Grand Saumon » datant de la Renaissance.

Munich F Manuscript - Petrus Alamire, courtesy of the Bayerische Staatsbibliothek München

Rana Hamadeh

Ma pratique artistique s'inspire d'une démarche de conservation et se manifeste par la mise au point de projets discursifs de longue durée, lançant une réflexion à travers les infrastructures de la justice, du militarisme, de l'histoire de l'assainissement et du théâtre. J'ai lancé en 2011 le projet toujours en cours actuellement, Alien Encounters, qui depuis a servi d'incubateur à un nombre croissant de propositions tendant à rendre plus complexe la notion d'« étrangeté ». Tout au long des différents chapitres du projet, qui prennent la forme de performances, d'œuvres théâtrales/cartographiques, d'installations sonores et textuelles conçues comme des décors, ainsi que d'écrits et de conversations, ce qui est « étranger » devient un outil discursif permettant d'établir des archives alternatives dans lesquelles peuvent être lues et localisées des formes de violence institutionnelle et encouragées par l'État et les appareils judiciaires qui leur sont favorables.

À la Biennale Contour 8, je présente la première version d'un opéra en devenir, The Ten Murders of Josephine (titre provisoire), un nouveau projet à multiples facettes s'étendant sur deux ans, composé de plusieurs versions successives, liées entre elles. S'inspirant en partie du spectacle légal, ainsi que du principe présent dans mes œuvres antérieures, selon lequel la justice est « la mesure dans laquelle on peut avoir accès au théâtre », ce projet lyrique suscite une nouvelle idée. Il demande ce que cela signifierait de se présenter en tant que « sujet de témoignage », pas seulement en dehors du cadre du tribunal, mais même davantage en prenant la place de l'entité juridique. La notion de témoignage est ainsi considérée comme la trace sonore de tout ce qui est indicible, plutôt que comme la forme d'énoncé rationnel liée au fonctionnement d'un tribunal. La performance présentée au cours de la biennale et son scénario, qui est exposé, sondent les limites au-delà desquelles le théâtre outrepasse la justice et se transforme en objectif – un objectif pour lequel la justice n'est rien d'autre qu'un moyen.

Hearings

Rana Hamadeh, The Sleepwalkers, 2016, vue de l'installation à The Showroom, Londres

Photo : Daniel Brooke, avec l'aimable autorisation de l'artiste

Ritu Sarin & Tenzing Sonam

Voilà trente ans que nous réalisons des films ensemble. Nous racontons des histoires à propos de personnes que nous avons rencontrées et nous examinons des sujets qui nous touchent directement. Une thématique récurrente dans notre travail est le Tibet, pays avec lequel nous avons des liens étroits, tant personnels que politiques et artistiques.

Burning Against the Dying of the Light (2015-17), une série en plusieurs épisodes, examine la contestation politique au Tibet et la situe dans son contexte ; elle traite tout spécialement de sa manifestation la plus récente, la pratique radicale de l'auto-immolation. Elle tente de replacer cette expression dramatique de dissension, sans précédent, dans une continuité historique qui a ses origines dans l'occupation et la colonisation du Tibet sous le régime chinois il y a soixante ans, un processus toujours en cours qui menace à présent la survie même de ce pays ancien en tant qu'entité souveraine et distincte. En même temps, en incorporant des preuves documentaires sous la forme de vidéos réalisées par la population, de portraits, de témoignages précédant la mort, de poèmes et de lettres, nous tentons de faire la lumière sur les questions non résolues en matière d'éthique, de motivations et de justifications de cette forme la plus horrible de contestation politique en les situant – comme le font eux-mêmes ceux qui s'immolent – dans la conception du monde de la philosophie bouddhiste tibétaine.

Le film Drapchi Elegy (2017), une nouvelle commande, développe plus avant le sujet de la contestation à travers un portrait de Namdol Lhamo, une Tibétaine d'âge moyen qui vit à Bruxelles, où elle assure l'entretien dans une maison de retraite. Lhamo fait partie du fameux groupe des « Drapchi 14 », des religieuses emprisonnées à la tristement célèbre prison Drapchi à Lhassa au début des années 1990 suite à leur manifestation pacifique contre l'occupation chinoise. L'œuvre est une réflexion sur la solitude de l'exil politique et sur la progression directe de la lutte pour la liberté au Tibet, de la désobéissance des religieuses dans les années 1990 au sacrifice de ceux qui ont recours à l'auto-immolation 20 ans plus tard.

Ritu Sarin & Tenzing Sonam, Drapchi Elegy, 2016, image tirée du film
Avec l'aimable autorisation des artistes

Rossella Biscotti

Other entremêle des histoires et le recours à des cartes perforées pour programmer à la fois d'anciens équipements de traitement de données et des métiers à tisser Jacquard automatisés. Il examine comment la gestion de la population est actuellement modélisée à travers les résultats des recensements. En travaillant à partir de données détaillées fournies par le recensement de la population bruxelloise, filtrées à travers un tableur, j'ai examiné la vie des ménages et leurs rapports afin de transposer cette analyse démographique sous la forme du tissage d'un textile.

L'individu détermine son statut définitif à travers un diagramme hiérarchique de questions de type « oui » ou « non » sur l'état matrimonial, axé sur les critères de la famille traditionnelle. Other est la dernière case pouvant être cochée, une catégorie spécifique d'individus n'appartenant à aucune des catégories proposées. Il peut s'agir d'une personne partageant un appartement avec d'autres étudiants ou d'autres actifs ; d'un grand-père résidant dans une famille multi-générationnelle ou d'un individu dont les circonstances de vie sont temporaires. Les personnes vivant en « institution » constituent des cas particuliers au sein de la catégorie Other ; il y en a respectivement 40, 60 et 184 recensées dans une même « famille » (maison de retraite, centre de réfugiés ou foyer de personnes en difficultés sociales, maison d'accueil). J'ai retracé comment elles restent ou fluctuent au sein de ce statut, comment l'individu est de nouveau absorbé dans une structure familiale ou disparaît, tout simplement, ayant quitté la ville ou étant décédé.

Les textiles se présentent comme une matrice composée de modules carrés ; les axes des x et des y sont des conditions données, tandis que l'axe des Z est le nombre d'individus se trouvant dans la même situation. Le nombre est représenté par l'échelle de gris des fils textiles de liaison. Certains individus sont mis en évidence et leurs données émergent à nouveau sous la forme d'un texte. Un tel montage établit un lien intrinsèque entre les structures de pouvoir « officielles » et les récits individuels « non officiels ».

Hearings

OTHER

Rossella Biscotti, Other (60 persons house), Other (44 persons house), 2014, vue de l'installation au Witte de With Center for Contemporary Art, Rotterdam, 2015

Photo : Cassander Eeftinck-Schattenkerk, avec l'aimable autorisation de Wilfried Lentz Rotterdam, Mor Charpentier

©Witte de With Center for Contemporary Art

Susanne M. Winterling

L'installation en plusieurs parties intitulée Glistening troubles (2017) lance une réflexion opportune sur la thématique de la solidarité écologique, ainsi que sur les propriétés empoisonnées et toxiques de formes de vie dotées d'une nature et de schémas de croissance collaboratifs. À l'aide d'une installation audiovisuelle faisant appel à des images générées par ordinateur, d'œuvres sculpturales et de compositions sonores, le projet examine des études en gros plan de certaines variétés d'algues et du phénomène de bioluminescence, sous la forme d'une recherche performative avec des acteurs non humains, utilisée dans le but de raconter des histoires et de réfléchir plus avant à l'incidence profonde du capitalocène sur les écosystèmes fragiles. Le projet se penche sur les concepts d'une « Anthropologie de l'Autrement », du féminisme radical, de la démolition et déviation de la démarcation entre nature et culture, et des rapports subalternes.

Une grande partie de ces recherches sur des espèces qui « illuminent » les océans et des études animées de constellations de champignons et de la productivité bactérienne est nourrie par les recherches sur le terrain dans les Caraïbes, tout particulièrement dans les eaux étincelantes de Porto Rico et de Jamaïque. Le travail en collaboration comprend un dialogue avec des communautés locales de pêcheurs et des laboratoires scientifiques installés sur place, afin d'obtenir un aperçu des connaissances présentes sur les lieux, des politiques environnementales et des modèles non-occidentaux d'étude de l'écologie de la Terre ; les algues soulignent notre interdépendance et servent de système de navigation.

En réunissant les modes de formation du savoir de différents domaines scientifiques – biologie, océanographie, écologie et microscopie –, et en les associant à la théorie sociologique, la culture numérique et la science-fiction d'avant-garde, Glistening troubles propose une solidarité entre espèces, afin d'inverser la hiérarchie du pouvoir privilégiant entièrement l'effet humain sur la recodification de la construction géo-narrative actuelle et future.

À la Biennale Contour 8, la nature virale de ce travail artistique change en permanence l'expérience sensible de son lieu d'accueil souterrain, situé près de la rive d'un cours d'eau constituant l'artère principale de Malines, en face de la « Maison du Grand Saumon ».

Susanne M. Winterling, Glistening troubles, 2017, image tirée de l'animation par ordinateur

Avec l'aimable autorisation de l'artiste

Trevor Paglen

Trevor Paglen explore les limites de la visibilité à divers niveaux de surveillance du gouvernement, par le biais de l'imagerie par satellite, la cartographie de réseaux de câbles sous-marins et l'examen suivi de documents confidentiels de « l'État profond ». Formé comme photographe et géographe, il a déjà réalisé des projets qui l'ont mené à étudier des bases de drones et des installations militaires secrètes, ainsi que les mouvements de détenus fantômes dans les « sites noirs » de la CIA.

La Biennale Contour 8 présente le lexique des secrets d'État et de la surveillance de masse Code Names (2001 -), une liste couvrant un mur entier composée de mots, phrases et expressions ayant trait à des opérations militaires et unités du renseignement secrètes. Cette terminologie cryptique, souvent troublante, comprenant des noms comme « Desperado » ou « Giant Cave », illustre l'immense étendue des opérations du renseignement composant un canon linguistique de l'activité militariste, toujours en cours comme constellation mondiale d'espionnage. Paglen réunit par ailleurs des preuves visuelles de manœuvres secrètes comme le « Special Access Program » du Pentagone.

Observer les bases militaires secrètes et les sites de surveillance installés dans des endroits reculés est impossible sans assistance pour le « regard civil ». Paglen décode ces infrastructures cachées et les rend visibles par le biais de la série de vidéos intitulée Limit Telephotography / Janet Video (2006). Il fait appel à des télescopes extrêmement puissants aux distances focales entre 1300 mm et 7000 mm, proches des niveaux de grossissement de l'astrophotographie. Traquant un avion de « Janet Airlines » sur une base de l'U.S Air Force, la vidéo d'artiste accompagnant les listes est une manœuvre furtive pour exposer le complexe industriel militaire.

Hearings

Trevor Paglen, Code Names (vue de l'installation), listes en cours d'actualisation de programmes militaires et de renseignement secrets, de 2001 au présent, dimensions variables

Avec l'aimable autorisation de l'artiste

Trinh Thi Nguyen

Mon travail sur les images en mouvement est un processus d'ouverture aux possibilités – parfois inattendues – du son, des images, des textes et de matériels déjà existants, une recherche de structures cachées sous-tendant nos réalités, tout en résistant au pouvoir et à l'autorité de l'image, de la narration et de la représentation.

Vietnam the Movie examine comment le mot « Vietnam » est apparu au niveau international (d'habitude en tant que guerre, symbole, idéologie, concept), tout particulièrement dans le contexte de la guerre du Vietnam et chargé de l'héritage de la guerre d'Indochine. Le film considère les manières dont les médias populaires façonnent notre imagination collective et notre mémoire collective, ainsi que notre conception d'une guerre, d'un pays, d'une nation.

Je recycle des images afin de préserver, décomposer et subvertir l'esthétique et le langage de divers types de films et de médias, afin de raconter de nouveau, de repenser, de relire et de renouer avec l'histoire. Dans ce film j'examine la définition d'une nation et sa place sur la carte du monde en observant comment des personnages de films et de médias populaires ont fait référence au « Vietnam » au cours de ces 50 dernières années.

À l'aide de ce point de vue extérieur sur le Vietnam, le film tente la relecture de ces archives composées, tout en résistant à l'intelligibilité et à la nature linéaire de l'histoire. La perspective attendue de ce nouveau récit est illusoire ; aucune conclusion manifeste ne peut être tirée de la logique formelle. En raison de la nature complexe de ce récit, le point de vue multiple à nombreux niveaux peut uniquement produire une histoire changeante et fragmentée, criblée de lacunes ; contrairement à sa « cousine » autorisée, cette version est incomplète de par sa nature.

Trinh Thi Nguyen, Vietnam the Movie, 2014-2017, 45’, image tirée de la vidéo

Avec l'aimable autorisation de l'artiste

Evenements

19-05-2017 — 12:05

Agence: Assemblée (Mondes polyphoniques)

May 20 and May 21, 15:00–17:00

Agency will host two gatherings to respond to readings of legal case questions.


Venue: Alderman’s House, Steenweg 1, Mechelen.

RSVP required due to limited seating via contour@nona.be.

Art practices often involve non-humans (animals, birds, plants, rocks, etc…) and other-than-humans (death, spirits, extra and intra terrestrials, etc…). Yet, intellectual property is only reserved for humans. Although the copyright law definition of “authors” does not explicitly refer to humans, the jurisprudence doesn't consider non-humans and other-than-humans as possible “causes of art works”. What if non-humans and other-than-humans become mutually included within art practices? For Assembly (Polyphonic Worlds) Agency will depart from this speculation by invoking two cases:


On Saturday, May 20, Agency invokes Thing 001652 (Monkey's Selfies), which concerns a controversy between the macaque Naruto represented by the animal rights organization PETA and the wildlife photographer David Slater around a series of photos made by Naruto and published inside a book of David Slater. Respondents: Sari Depreeuw (intellectual property law), Steven Humblet (art history), Jane Reniers (animal rights), Anna Vanhellemont (animal law), Jan Verpooten (ethology)


On Sunday, May 21, Agency invokes Thing 001621 (Dead Son Drawn by Psychic Artist), a conflict between the psychic artist Frank Leah and A.P. about a journal reproduction of a picture of a drawing of the spirit of the son of A.P. by Frank Leah. Respondents: Mieke Abel (clairvoyance), Julien Cabay (intellectual property law), Steve Michiels (cartoonist), Florentine Peeters (art), Katarzyna Ruchel-Stockmans (art history), Christian Vandekerkhove (theosophy), Jana Willems (psychic art)


During each gathering, Agency invites a group of concerned practitioners to respond to the court cases. Rather than re-enacting the trial, these assemblies invoke moments of hesitation during the case hearing.


The Assemblies take place between 15h and 17h on May 20 and 21 in English language.

Check the event on Facebook.

26-04-2017 — 05:04

Nocturne

Op woensdag 26 april organiseert Contour Biennale 8 een nocturne. Alle locaties zijn dan geopend van 17 tot 21 uur: een ideaal moment om de biënnale te bezoeken naast de gangbare openingsuren. Je kan ook tijdens deze avond een gids reserveren via contour@nona.be

20-03-2017 — 04:03

Café Univers

Café Univers is a nomadic radio project by Syma Tariq and Francesca Savoldi hosted during the opening weekend of Contour Biennale 8.

The episodes navigate mainstream radio stations via the Radio Garden, with biennale artists, guests and passersby warmly invited to contribute. The project melds sonic exploration of south/south solidarity and the collapsing of physical/digital spaces via the changing format of radio. It hopes to address questions such as: What is the relationship between music and social justice? In what ways does music (re)territorialise and bind the diaspora? Whose sound is it anyway?

The project is supported by Radio Apartment 22 (R22), founded by Abdellah Karroum in Rabat. Edited episodes of the audio recorded will be published on R22 and the Contour Biennale 8 website.

20-03-2017 — 03:03

Lerarendag

Op zondag 19 maart organiseerden Contour Biennale 8 en OP.RECHT.MECHELEN. de Contour Biennale 8 lerarendag in samenwerking met Klasse. De educatieve werking van de biënnale werd er voorgesteld. De educatie map is vanaf nu beschikbaar op onze website.

13-03-2017 — 07:03

The Stealing C*nt$ and Toxic Sovereignty

Le Karrabing Film Collective (Gavin Bianamu, Rex Edmunds, Elizabeth A. Povinelli, Ben Williams) présente le film The Stealing C*nt$ and Toxic Sovereignty qui sera projeté à la Fondation Boghossian dans le cadre de leur participation à la Biennale Contour 8. La projection sera suivie d’une conversation modérée par Natasha Ginwala.

11-03-2017 — 07:03

Public Programme

Hearings

16-05-2017

The Moon Will Teach You

Some of the most prominent music produced in Europe in the fifteenth and sixteenth centuries was linked to the spread of polyphonic choral compositions. This music was usually interpreted from handwritten parts in the form of choir books with music and lyrics laid out for individual voices (typically soprano and tenor on the left-hand pages, and alto and bass on the right-hand pages). While at this time the printing press [...]

15-05-2017

OTHER

Other began as an ongoing project initiated for the exhibition 10 x 10 (2014), which was presented at Haus Esters in Krefeld, a modernist villa designed by Ludwig Mies van der Rohe for the silk manufacturer Josef Esters. In an exploration of how institutional structures are imposed on individuals, the first textile series combines features of automated mechanical manufacturing with conceptual and technological aspects of how large datasets are collected and processed. [...]

06-03-2017

Video Temporality and Hindsight Evidence

Since 1991, when Rodney King’s beating was captured on video by a civilian named George Holliday, the medium’s use as legal evidence has increased immensely. Understanding the functions and consequences of this shift demands a deep consideration of video’s relationship to temporality and memory. For years, artists and media theorists have been pursuing this question. […]

06-03-2017

L for Lai Teck

A fleet of illegible and nameless specters haunts the political landscapes of early and mid-twentieth-century Southeast Asia. British Special Branch reports from this period tended to present its Communist enemies as faceless statistical digits, revealing few personal details about them. The abstraction of these reports is further exacerbated by the fact that the most frequent […]

06-03-2017

Diaoptasia – Our Future Will Be

Fractures can sometimes be identified As light falls on its aching path How do you see the cracks that appear? Would it be rough and irregular? Maybe shell like, smooth and curved? Or maybe jagged and sharp edged like broken metal Forming elongated splinters Breaking like clay or chalk? Our future is to live […]

06-03-2017

I Will Burn Myself Again and Again: Notes on the Self-Immolations in Tibet

I am walking thus on the path of light, to become the living proof of truth I am sacrificing myself thus on the face of actuality All my brothers and sisters, young and old, living in misery and sorrow All people throughout the world who love freedom and peace And to you, tyrants of violence, […]

06-03-2017

Visual Script: Vietnam the Movie

—Did you see her? —The lobby was full of people. Police, security, barriers. I realized how ridiculous the situation was. I pictured myself jumping on an Indo-Chinese woman, yelling: “Mama!” So I thought a miracle had to happen. I hoped one of the women would shout: “Etienne, my son!” I waited. A long time.[…]

06-03-2017

A Tragedy in Two Acts

This is a slightly adapted version of a conversation that took place over e-mail in 2006 between art historian Els Roelandt and visual artist Ana Torfs, on the occasion of the first exhibition of Torfs’ installation Anatomy at daadgalerie in Berlin.

06-03-2017

America, de Bry 1590-1634 By Louis Henderson

Whilst sitting in the rare book division of the New York Public Library in Manhattan, awaiting the arrival of an original 1724 edition of Le Code Noir, I picked up another book: America, de Bry 1590-1634. As I moved through the pages, looking at Theodor de Bry’s coloured engravings, I was witnessing documents from history that reported apparent truths about the colonisation of the Americas […]